mardi 23 février 2010

Des nouvelles

Une semaine depuis que j'ai quitté la france
3 jours de voyage une nuit d'hôtel non prévue à Madrid, un transit par santo domingo, puis le bus pour Haïti.
Premier constat la moitié de l'avion est constitué d'ONG de tous poils et de bénévoles pleins de bonne volonté qui viennent pour "aider".
Ma mission: prendre le relais des collègues pour appuyer le programme d'appui au réfugiés du Bas Nord Ouest.
La tête dans le guidon depuis mon arrivée mercredi soir, je n'ai pas encore eu le temps de donner de nouvelles.
Je suis monté directement à Jean rabel et n'avais ni le temps et surtout pas l'envie d'aller dans les zones les plus détruites, mais le peu que j'ai vu est effarant.
Le plus terrible pour les rescapés se sont les incessantes rumeurs, ce matin à Jean rabel (située à plus de 200 km de Port Au Prince), une personne est venue annoncer à la radio qu'une nouvelle secousse allait passer entre 10 et 11 h: résultat psychose sur la ville toutes les écoles se sont vidées en 5 minutes.
Cette nuit la réplique de 1h30 a parait il été ressentie à Jean Rabel, en tout cas elle ne m'a pas réveillé.
A bientôt pour plus de nouvelles.

samedi 13 février 2010

ça m'énerve

lu sur libé

"Le collectif, qui manifeste pour la troisième fois depuis le tremblement de terre du 12 janvier en Haïti, souhaite que soient également rapatriés les enfants pour qui le jugement positif a disparu dans le séisme et ceux pour lesquels le jugement n'a pas encore été rendu mais qui savent déjà quel enfant ils vont adopter."

Rappelons qu'au début leur discours disait clairement qu'il ne s'agissait que des dossiers pour lesquels tout était en règle!!!

La dernière phrase est sybilline on se croirait chez Ikéa.

vendredi 12 février 2010

Opinions

Voici celles de deux amies qui travaillent de longue date en Haïti, un malheur ne venant jamais seul (on a déja eu Arno Klarsfeld, voila donc machin qui débarque...)

"Oui tout cela est bien triste encore plus quand on voit ce qui se passe ici depuis un mois, tout le monde au chevet d'Ayti, experts de tous bord !!! de tous les pays, chacun faisant son étude, ayant sa solution et préparant un avenir sans les haitiens !! Bref, tout est à recommencer , en sachant que la mise sous tutelle est proche !!
Aujourd 'hui, les habitants avec et sans toit de Port-au-prince sont dans la rue, chantent, prient !!! se défoulent aussi, avec leur dignité extraordinaire !

Le fou arrive mardi, premier président francais depuis 1804 !!! Oh secours, je pleure de rage !"

" Car je ne pense pas que le gouvernement ou meme les haitiens seuls ne peuvent ni proposer un plan de reconstruction ni gerer les pluies de millions de dollars qui devraient tomber.
De plus, quand j'entends Cecile et les autres "ONG" du cote de l'aide internationale (au sens large) c'est vraiment pas brillant, bien souvent totalement decale et vecteur de destabilisation de la societe haitienne.
Quant aux pays amis d'Haiti (pour ne pas dire la France), ben on se sait pas trop, mais ils semblent qu'effectivement personne ne veuille prendre le lead.
Bref.... quelque soit l'angle de vision, la reconstruction reste tres virtuelle et trouble pour le moment.

L'aide a outrance detruit l'economie locale. Les distributions alimentaires, outre le fait qu'elles soient super mal organisees, localisees, etc... n'ont a notre avis plus raison d'etre apres un mois, car on trouve a peu pres de tout, mais les marchandes ne vendent pas (puisque tout est gratuit). Donc ces marchandes fieres et travailleuses sont ou seront elles aussi contraintes de mendier l'aide aux peuples amis. Meme constat pour l'industrie pharmaceutique locale qui a beaucoup contribue au debut et qu'on ecarte totalement aujourd'hui... Meme constat pour la majorite du secteur prive et informel qui, apres le drame, se prend plusieurs "side effects"...
Or de quoi ont besoins les gens? D'argent, de travailler pour pouvoir se reconstruire et esperer un quelque chose pour demain et non pas de dependre de la distribution du jour.
On avait deja une mauvaise habitude, attitude d'assistés mais la.... c'est comme si on confortait les bases pour que ce pays reste encore plus scelle dans l'assistanat et dependance du bon vouloir de l'international.

Que l'international se concentre sur la construction de logements semi-provisoires pour retirer ces gens dans les rues, les places publiques, pour qu'ils aient acces a un minimum de confort et de service et pour que la ville retrouve un semblant de quelque chose "d'autre". Les Haitiens feront le reste, ils se releveront, ils l'ont deja montre, mais ils doivent avoir un toit pour pouvoir penser a autre chose que la nuit a passer dans ces trucs immondes et a "barrer" la pluie...
Car tout ce monde dans les rues... ca ne peut pas durer.
D'autres phenomenes se developpent, comme les distributions ne se font quasi exclusivement que dans les camps, beaucoup, meme s'ils ne sont pas ou peu sinistres, decident de s'installer dans les camps. Certains louent meme leur kay pour vivre dans les camps!
Toute construction est censee etre interdite, on me dit qu'on recommence a construire avec un peu plus de fer et de beton peut etre, mais toujours trop fragile et anarchique. Il nous faut un vrai plan d'urbanisme.

Moi j'etais plutot contente d'entendre parler d'un plan "a la" Marshall pour Haiti, le plan que tu decris me parait bcp moins attrayant.
Haiti, que ce soit gouvernement, societe civile, religieux, prives, whatever...) doit etre un des acteurs principaux de la reconstruction, mais il nous faut des ressources professionnelles et un controle serre des choix et de la gestion, car la corruption et la mediocrite restent bien ancrees dans cette societe.
Quanr au charlots de Naboleon (connaissait pas ce sobriquet, j'aime:-) ne pourront, au mieux, rien pour Haiti."

jeudi 11 février 2010

Retour en Haïti

Voila je repars lundi via saint domingue pour ID, et pour un mois et demi.
Ma mission: Coordonner le programme urgence et lancer un programme en faveur des enfants rescapés.

lundi 8 février 2010

Haïti-Séisme : La tectonique de la misère

L'article de christophe Wargny auteur de "Haïti n'existe pas" paru sur le site d'Alter-presse

samedi 6 février 2010

La situation à vallue

tiré du site de l'Association des Paysans de Vallue (APV), quelques morts et beaucoup de dégats.
Le document est à lire ici
Dans les 15 maisons sur 17 endommagées à Ti Place il y a la mienne...

mercredi 3 février 2010

Du solaire pour l'urgence

Ah ça faisait longtemps que j'avais pas écris sur mon cheval de bataille.

Port au prince est plongée dans le noir ce qui entraine une hausse de l'insécurité.
Les camps de fortune ne sont pas près d'être électrifiés.
Un nouveau business racket s'est créé ces derniers jours autour de la recharge de téléphone.

Alors pourquoi ne pas réfléchir très rapidement à implanter des lampadaires solaires (Tabarre est la seule commune de l'agglo port au princienne a avoir un peu de lumière grâce à ses lampadaires solaires qui ont remarquablement tenu le coup):
  • Sur la place boyer à Pétionville
  • Sur le champ de Mars
  • dans les futurs camps de "relogement provisoire"
  • etc...

Et des petites centrales de charge permettrait de recharger les téléphones pour un coût modique tout en créant de petites activités génératrices de revenus.

Coût de tout ça: environ 2500 US le lampadaire, 3000 US la centrale de charge.
Pour mémoire un avion affrété d'urgence c'est 200 000 € soit 112 lampadaires.
Le parallèle est évidemment très artificiel et un peu facile mais ça fait réfléchir.

Faire économiser 5 gourdes à 500 000 propriétaires de téléphone par jour ça fait 2 500 000 HTG soit 62 500 US par jour!
L'investissement d'une centrale de charge serait ainsi remboursé en 480 jours et la production pourrait être injectée dans le réseau EDH une fois celui ci opérationnel.

mardi 2 février 2010

Lu sur radio métropole

a propos de l'hopital de port au prince
"350 personnes reçoivent des soins sous des tentes aménagées à l'extérieur du bâtiment fortement endommagé, 250 médecins étranger sont sur place en soutient au personnel médical haïtien."
ça fait un drôle de ratio...

Le bilan de Jean Rabel




Voici un bilan relativement exhaustif réalisé pour la commune de jean rabel (pour mémoire jean rabel compte environ 120 000 hab):

par section, tjs selon enquete AAA et CPC:
bourg JR: 1220 foyers recevant 3915 personnes
1e section: 471 foyers recevant 639 personnes
2e section: 1022 foyers reecvant 3735 personnes
3e section: 781 foyers recevant 2282 personnes
4e section: 682 foyers recevant 1485 personnes
5e section: 190 foyers recevant 570 personnes
6e section: 566 foyers recevant 915 personnes
7e section: 382 foyers recevant 910 personnes

total: 5264 foyers recevant 14451 personnes, soit 2 à 3 par foyer en moyenne



On imagine sans peine l'impact sur les familles...
Et la situation est la même dans toutes les villes de province

analyse intéressante

Sur le site de radio Kiskeya


Quand comprendrons-nous enfin ?

De Montréal, notre ancien collaborateur Arold Isaac Sr. s’exprime sur les causes profondes du drame haïtien


L’heure du bilan

Le sort qui semble s’acharner sur Haïti vient de frapper avec une fureur rarement observée. L’horreur est à son comble. Toutefois, si le cataclysme a porté le coup de grâce, il nous a surpris en pleine agonie, nous avions déjà touché le fond. Quand la terre s’est dérobée sous nos pas le 12 janvier 2010, notre délabrement s’est révélé un facteur extrêmement aggravant. Ironie du sort, aujourd’hui que Haïti est frappée à la tête, aucune des régions épargnées par le séisme n’est en mesure de lui porter secours. Quand il faudra reconstruire, l’arrière-pays sera-t-il encore une fois laissé pour compte ? À l’heure du bilan, quand il faudra panser nos plaies, nous devrons affronter nos démons et mettre les vraies cartes sur la table. C’est maintenant ou jamais.

Tout au long de nos deux cents ans d’existence, nous avions toujours eu des problèmes sociaux, politiques, économiques et diplomatiques. C’est le lot des pays pauvres et nous étions encore un pays… pauvre. Mais rien de tout cela n’est comparable à ce que nous avons connu ces dernières années. En effet, notre véritable déchéance a commencé il y a quarante ans à peine. Comment en sommes nous arrivés là ?

Un problème inédit

Ce que nous vivons depuis un demi-siècle est inédit dans l’histoire d’Haïti et n’a aucune commune mesure avec ses péripéties antérieures. Car, notre vrai drame en est un d’économie et de finance avant tout. Alors, de grâce, n’invoquez surtout pas l’histoire, la géographie ou les superstitions. Au milieu des années 60, il s’est produit une cassure dans la trame historique : la naissance d’une nouvelle structure économique parasitaire était née et, avec elle, la gangrène. Rien n’allait plus être comme avant. Le phénomène a connu une croissance fulgurante dans les années 70, pour atteindre son apogée dans les années 80.

Le changement était insidieux mais radical. Pour ceux qui le peuvent, faites l’effort, remontez dans vos souvenirs. Regardez le début des années 70, puis la fin des années 90. Voyez-vous la dégradation des écoles, des hôpitaux, de l’électricité, de l’eau potable, des denrées agricoles ? Voyez-vous la croissance fulgurante, de la banlieue anarchique, des « borlettes* », du « riz importé », des « écoles de complaisance ». En une vingtaine d’année, le peu qui faisait encore de nous un « pays » avait disparu. En guise d’explication, certains parleront de « malchance » ; d’autres, peu recommandables, inventeront un pacte satanique. Quand nous ne savons plus quoi dire et encore moins quoi faire, le rationnelle cède le pas aux élucubrations loufoques, mystiques et racistes. Pensez-vous vraiment que soudainement, après deux cents ans, l’histoire, la géographie ou la cérémonie du Bois Caïman auraient décidé de nous réclamer leur dû ? Non, la vraie cause de cette déchéance est cette nouvelle structure économique parasitaire. C’est une gangrène qui a bouffé tout sur son passage. Elle a littéralement phagocyté tout ce qui pouvait s’apparenter à une véritable économie. Avant, nous étions un pays… pauvre. Depuis, n’en déplaise à notre ego démesuré, nous ne sommes plus qu’une gigantesque « cour des miracles », c’est-à-dire une vaste zone de non-droit ou les escrocs et l’anarchie règnent en maîtres.

Ce n’est pas notre superstructure politique qui ruine l’économie, c’est notre structure économique qui mine la politique.

Une économie sans moteur

Notre structure socio-économique est comme un camion sans moteur. Poussez-la, elle avance un peu ; lâchez-la elle recule.

· Elle n’a pas besoin d’un système fiscal fonctionnel. Le gouvernement compte officiellement sur l’aide économique internationale pour sa viabilité budgétaire (World Factbook, CIA)

· Elle n’a pas davantage besoin d’une éducation de masse efficiente. : deux haïtiens éduqués sur trois vivent à l’étranger (OCDE 2006) et le système d’éducation est une coquille vide.

· Paradoxe ultime, elle n’a même pas besoin de créer de l’emploi pour fonctionner : plus des deux tiers de la population active n’ont pas d’emploi formel (World Factbook, CIA).

Le système est grabataire et ne produit pas. Il est maintenu en vie artificiellement et s’alimente par intraveineuse. Quand comprendrons-nous que nous faisons fausse route sur la question haïtienne ?

Les observateurs et les bailleurs de fonds se perdent en conjectures pour expliquer leurs échecs à répétition face à l’agonie de plus tragique de ce malade qui refuse de mourir. Malgré tous les partenaires engagés, les efforts consentis, les centaines de millions englouties, le mal haïtien s’amplifie de manière exponentielle. Rien ne semble vouloir arrêter sa progression.

Un expert du Trésor américain (J.B. Taylor, 2003), témoignant devant la Commission des affaires étrangères du Sénat, a déclaré un jour, c’est moi qui traduis : « Des années de mauvaise gestion économique, l’instabilité politique et la faiblesse de l’état de droit (rule of law) ont causé cette tragédie ». La tragédie dont il fait état est un bilan, le constat désastreux de plusieurs années d’assistance financière et technique à Haïti.

Les préjugés ont la vie dure

Etonnement, il n’a pas l’air de douter un seul instant de la cause du la « tragédie ». Pourquoi les remèdes appliquées jusqu’ici sont toujours pires que le mal ? Selon notre expert, il ne faut chercher trop loin, c’est le climat politique qui entrave l’aide étrangère. Comme quoi, il est vraiment commode d’être juge et parti.

Ce sont des propos d’un officiel américain, mais nous savons, vous et moi, qu’ils auraient pu venir d’un canadien, d’un allemand, d’un haïtien ou de n’importe qui d’autre. La vérité qu’il décrit est indéniablement tragique. Mais la vraie tragédie, ce n’est pas le constat, qu’il a fait, c’est la conclusion qu’il en a tirée : l’environnement politique cause le problème et bloque la solution. Cela est généralement admis même dans les milieux les mieux intentionnés.

Cette conclusion a au moins le mérite de s’écarter des billevesées et des fadaises des tenants du surnaturel. Cependant, cette explication est commode seulement pour qui veut s’en laver les mains. Car, comme beaucoup d’entre nous, il a pris manifestement l’effet pour la cause et la cause pour l’effet. Or, ce n’est pas l’ordre naturel des choses. Si la politique est la toiture d’une maison, l’économie en est la fondation. Dire que la fondation n’est pas terminée par ce que la toiture est mauvaise relève du délire purement et simplement.

Que voulez-vous, les préjugés ont la vie dure. Ce prisme déformant a toujours guidé et guide encore toutes les formes d’assistance à Haïti. Comment pouvons-nous être aussi désespérément aveugles, aussi acharnés dans l’erreur ? Combien nous faudra-t-il d’échecs, pour comprendre ? Pouvons-nous au moins regarder le problème sous un angle différent ?

L’analogie de l’eau.

Avant de voir la mécanique de cette machine infernale faisons une analogie entre le cycle de l’eau et ce qui s’appelle en économie, les mouvements de capitaux.

La pluie qui tombe sur une montagne boisée et verdoyante, pénètre le sol, alimente les nappes et les cours d’eau qui a leur tour irriguent une vallée fertile et riche. L’eau ainsi traitée est source de vie.

Par contre, la même pluie qui tombe sur la montagne dénudée, reste en surface, dévale la pente, inonde la vallée et l’enterre sous la boue et les alluvions. L’eau ainsi traitée est une calamité.

Dans les deux cas, c’est de l’eau venue du ciel, qu’est ce qui peut changer une source de vie en calamité ? Rien d’autre que la façon de l’absorber, de la digérer et de l’assimiler. Il en est de même des afflux de capitaux dans une économie.

Voyons cela de plus près

Dans les années 60, on se le rappelle, une nouvelle dynamique a émergé dans le contexte de la géopolitique anticommuniste, avec à la clé, la débilitation systématique de la campagne, l’instauration de la « république centralisée de Port-au-Prince » sur fond d’intensification de l’aide internationale. La terreur politique alimentait la fuite des cerveaux, l’appauvrissement général celle des masses laborieuses. À un moment donné, dans les années 70, à part une infime minorité, il n’y avait plus que deux catégories d’haïtiens : ce qui sont partis et ceux qui attendent de partir. Tous les espoirs s’étaient tournés vers l’étranger d’où venait la manne des exilés politiques et économiques. L’exode avait fait boule de neige jusqu’aux « boat people ». La machine s’était emballée. Elle ne s’arrêtera plus.

Conséquence immédiate de cette nouvelle donne, un afflux massif de capitaux frais et libres d’hypothèque, qui atteindra jusqu’à 25% du Produit intérieur brut (J.B. Taylor, 2003). En 2002 les transferts de la diaspora frisaient le milliard de $US, quand au même moment l’aide étrangère plafonnait à 150 millions de $US. En 2006 les transferts ont grimpé à 1,65 milliard $US (Banque interaméricaine de développement, 2007). Imaginez l’impact de ce phénomène sur une si petite économie.

Un cadeau empoisonné

« Only gradually, did it come to be recognized that it was not just the scale of remittances, but also the way in which they are used that is of crucial significance for the economies of the migrants’ home countries ». (Thomas Straubhaar, INTERECONOMICS, March/April 1985)

Au début, tout le monde était soulagé, euphorique, envoûté devant cette manne tombée du ciel pour une population démunie. Qui aurait osé questionner ses effets à long terme. Ce qui était incompris (et l’est encore !) c’est que cette manne tombée du ciel était toxique dans les circonstances. Venant de bailleurs de fonds internationaux et de la diaspora, ce flux croissant et ininterrompu de capitaux, allait pervertir l’économie et engendrer la funeste spirale.

Aussi, ce pouvoir d’achat que la production locale ne pouvait pas absorber, allait-il directement grossir les importations, non seulement de biens manufacturés, mais également de produits agricoles : 500 millions US$ d’exportation en 2008, contre 2 milliards US$ d’importation (World Factbook, CIA). Pire, certaines productions locales qui subsistaient encore tant bien que mal étaient mises à mal du jour au lendemain été balayées par la marée. On n’osait plus porter les articles fabriqués localement devant la vague « made in usa ».

Ce flot de capitaux n’a pas échangé l’artisan tailleur ou l’ébéniste pour l’industriel, il les a anéantis au seul profit de l’importation. Rappelons-nous comment nous sommes devenus importateurs nets de riz. Il a créé un effet démobilisateur instantané : des gosses de la classe moyenne quittent massivement l’école, trois ou quatre ans, en attendant le visa de la délivrance, pour « New York » ; ceux qui n’osent pas décrocher, trouvent refuge dans les écoles de complaisance pour leurrer leurs parents absents.

De toute façon, à quoi bon décrocher un diplôme dans une économie qui n’en a cure, quand La Floride est si proche.

Tout semble concourir dans un seul but : noyer l’industrie locale et à renforcer cette dépendance passive. Les efforts d’industrialisation par la sous-traitance amènent aussi des devises sans produire pour le marché local. Ce qui ajoute aussi au problème. Enfin, le trafic de drogue a cloué le dernier clou du cercueil.

Attaquer le mal par la racine

Attention ! Il ne s’agit pas de supprimer, ni même de réduire les transferts d’argent ou l’aide étrangère. Rappelez-vous l’analogie de l’eau. Il faut comprendre le problème pour le transformer et en faire un atout. Il faut changer le processus d’assimilation de ces capitaux pour changer cette calamité en source de vie. Toute velléité qui ignore cette donnée unique et capitale est vouée à l’échec, et pour cause.

Il fut un temps où nous disions : « TOUT sauf Duvalier !, Si la politique, ou une forme de gouvernement étaient la cause de cette dégringolade, la fin de la dictature aurait mené à une amélioration ou, au moins, l’aurait arrêtée. En lieu et place, ce fut le bal des généraux avec une accélération de la descente aux enfers. Pour conjurer le sort, nous avions crié, « TOUT sauf l’Armée ! ». Mais voilà, celle-ci démembrée, notre chute loin de ralentir devint vertigineuse. De guerre lasse, nous avons psalmodié « TOUT sauf Aristide ! ». Qu’à cela ne tienne, la « cavalcade vers l’enfer » devint « débandade en enfer » : nous avions touché le fond ! Du moins le croyions-nous jusqu’au coup de grâce du 12 janvier 2010 qui nous a montré qu’il y a pire que l’enfer. Tout comme l’hydre de la mythologie, chaque tête coupée repousse en double, la bête continue d’exhaler son haleine fétide et meurtrière. Nous, nous poursuivons dans la même voie, échec après échec, convaincus que la solution passe d’abord et avant tout par une réforme de la superstructure politique et un assainissement des mœurs.

Est-il possible d’imaginer simplement que nous ne somme peut-être pas sur la bonne voie ?

Un moteur pour l’économie

La solution passera inévitablement par l’émergence d’une classe de producteurs agricoles et industriels, dont les intérêts coïncideront avec ceux de la collectivité. Il faut des produits agricoles, industriels, artisanales, culturels de facture locale pour la consommation locale, de façon à transformer la manne en richesse durable. Pour y arriver, Il faudra inciter, faciliter et soutenir la création d’une masse critique de producteurs locaux de toutes les tailles, dans tous les domaines et dans toutes les régions. Il faudra courtiser non seulement les étrangers mais aussi les haïtiens. Certes, nous n’avons pas une solide culture entrepreneuriale, qu’à cela ne tienne ! Combien d’haïtiens sont allés engloutir leurs économies accumulées durement à l’étranger dans la construction d’une maison en Haïti que souvent ils ne peuvent pas habiter. Il faudra les encourager à investir dans la production agricole ou industrielle.

C’est quand même ironique, l’élément le plus difficile à obtenir pour stimuler l’entreprenariat ce sont le capital de risque et le crédit. Or, c’est justement ce que cette manne pourrait nous offrir sur un plateau d’argent, année après année. Un pays où tout est à faire, est un « paradis » pour les hommes d’affaires, mais aussi malheureusement pour les affairistes et les chevaliers d’industrie. Donc, il faudra accompagner leurs premiers balbutiements, les encadrer, les éduquer le cas échéant et surtout les protéger à la fois contre eux-mêmes et contre les agents hostiles et rétrogrades défenseurs acharnées du statu quo. Cette solution ne s’implantera pas sans heurt. Car le système actuel, tel quel, est une entreprise très lucrative pour la flibuste et les « profiteurs de guerres ». Ceux-ci n’assisteront pas passivement au démantèlement de leur chasse gardée. Il faudra convaincre les moins hostiles qu’il y a des façons de faire fortune autrement que par la corruption, le monopole et les rapines. Pour le reste, il ne faudra pas se laisser démonter.

C’est ça le moteur du changement qui brisera le cercle vicieux et enclenchera le cercle vertueux. Cette nouvelle force nationale apprendra à payer pour ses routes, ses ponts, sa main-d’œuvre qualifiée, ses écoles, son cadre juridique, ses crédits bancaires, simplement parce qu’elle en aura besoin, parce que cela lui sera indispensable. Alors, la superstructure politique et juridique jouera son rôle de facilitateur et de régulateur. Ce n’est qu’après avoir démarrer ce train que nous parlerons de réformer les mœurs sociales et politiques.

Arold Isaac Senior

Montréal, 18 janvier 2010

NDLR : Les opinions exprimées ici sont celles de l’auteur et n’engagent pas Radio Kiskeya ni son équipe.

Bio : Grand Reporter et Rédacteur en chef de Radio Haïti Inter jusqu’en 1980. Arold Isaac Sr. a eu l’occasion de parcourir Haïti d’un bout à l’autre et de voir le peuple à l’oeuvre. Exilé du pays, il a refait sa vie au Canada. Après des études universitaires en sciences, il mène une carrière d’industriel depuis 25 ans au Québec.

Paradoxe

"Le Gouvernement haïtien espère lui aussi transformer cette tragédie en une opportunité en parvenant, notamment, à décentraliser les activités du pays à moyen et long termes en créant des emplois et des opportunités en matière d'agriculture aux personnes déplacées pour les encourager à rester dans les provinces du pays où elles se sont installées", a expliqué Edmond Mullet. (Représentant spécial par intérim du Secrétaire général pour Haïti) sur le site de radio métropole.

Bien, bonne nouvelle, mais...

Dans le même temps l'UNICEF a annoncé l'arrêt de l'intégralité de ses programmes en dehors de Port Au Prince pour cause de réaffectation budgétaire.
Le programme assainissement ID/ADEMA est ainsi arrêté brutalement ainsi que bien d'autres (éducation, santé...) à travers le pays.

Souhaitons que ça ne dure pas.

lundi 1 février 2010

connerie quand tu nous tiens

Après l'autre abruti de télé-évangéliste américain c'est le consul d'Haïti au brésil qui s'y met.
A lire sur le site d'alter-presse
Mais il parait qu'on a mal interprété ses propos parce qu'il parle mal le portugais après 35 ans au brésil!

"Plus rien ne m'étonne"

Comme dirait Tiken Jah.
Comme j'en ai marre d'entendre et de voir n'importe quoi sur la question des adoptions, je re publie un petit texte que j'avais écris en 2007 (il avait quelque peu fait polémique à l'époque...) je le trouve plus que jamais d'actualité. Il s'intitulait "pour un moratoire"
Il va de soi que son contenu n'engage que moi.

"Le sujet est sensible et fait particulièrement l'actualité sur un autre pays avec l'arche de Zoé.
Il ne se passe pas une semaine sans que je sois alpagué par quelqu'un qui me demande comment avoir des nouvelles d'un de ses enfants ou frère et soeur partis en France pour l'adoption et à qui on avait promis que le gamin reviendrait pour ses 18 ans, ou encore qu'il enverrait des nouvelles. Plusieurs fois on m'a dit: "il parait que quand ils arrivent en france on signe un papier pour dire qu'ils n'ont pas de parents".
La consule de France qui vient de partir, a essayer de soutenir un couple d'haitien dont l'enfant avait été "adopté" par des hauts diplomates, en pure perte et le quai d'orsay a fini par lui demander de se mêler de ses affaires.
Un orphelinat (qui soit dit en passant s'appelle crêche en Haïti) validé par l'ambassade de France a récemment fait l'objet d'un débarquement de la Minustah suite à des plaintes de parents de la région de Jérémie...
Etc etc etc.
L'adoption en Haïti est une escroquerie puisque le concept même est totalement absent de la culture locale, on abandonne pas son enfant on le confie à une autre famille.
L'ambassade de france ainsi que le ministère du bien être social semble avoir enfin pris conscience du problème et je pense que dans les prochains mois les choses vont enfin changer.
En attendant, seul la sensibilisation peut aider à arrêter l'hémorragie.
Mon opinion ne vise évidemment pas des cas particuliers, toute adoption est une rencontre merveilleuse. Mais le drame sociétal que ce phénomène est en train d'engendrer ne peut pas laisser indifférent. "